Transportant aujourd’hui 30 000 voyageurs par jour, la ligne C aborde la cinquantaine en s’engageant dans un projet de modernisation. L'intérieur des rames sera aménagé à court terme pour gagner en capacité, avant le déploiement de nouveaux véhicules neufs en 2035. En parallèle, la voie entre Hénon et Cuire sera doublée pour améliorer l’exploitation et les fréquences de passage. La « ficelle » historique, devenue ligne de métro, a encore de beaux jours devant elle !
« Unique au monde par ses caractéristiques techniques, le métro C est également un modèle de gestion optimisée. Pour que l’histoire d’amour entre les Lyonnais et leur métro dure encore au moins 50 ans, SYTRAL Mobilités engage un vaste programme de modernisation de ce formidable outil de mobilité durable » - Bruno Bernard, Président de la Métropole de Lyon et de SYTRAL Mobilités
Inauguration de la crémaillère entre Croix-Paquet et Croix-Rousse, le 6 décembre 1974 (© Ville de Lyon, Archives municipales, Fonds photographique des TCL, 38PH/39)
Le métro commence à rouler début décembre 1974 sur le tronçon Croix-Paquet – Croix-Rousse.
Le journal Le Progrès s’en réjouit : « Première mondiale de la crémaillère soudée (…), Lyon peut se féliciter d’être à la pointe du progrès en matière de haute technicité appliquée aux transports urbains. » Les véhicules, vingt centimètres plus larges que le métro de Paris, roulent en effet sur une crémaillère. Il s’agit d’une pièce métallique dentée fixée entre les rails, sur laquelle s'engrène l'engin moteur par une roue crantée. Ce système permet de gravir la pente de 17,6 % sous la montée Saint-Sébastien en trois minutes. Pour l’inauguration, le « tout Croix-Rousse » est là : « les élus, les canuts, les commerçants, les majorettes ».
En prévision de l’ouverture en 1978 des lignes A et B, la ville connaît plusieurs travaux. Ils comprennent notamment le raccordement à Hôtel-de-Ville de la crémaillère, rebaptisée métro C, via un tunnel. L’ancienne gare Croix-Paquet est alors démolie.
Le 8 décembre 1984, les stations Hénon et Cuire sont inaugurées pour accueillir l’extension de la ligne C. Elle est accompagnée de nouveaux véhicules (MCL80) de couleur orange qui peuvent rouler tant sur crémaillère qu’en adhérence sur une voie classique.
C’est à la station Croix-Rousse que la roue crantée, par un système d’embrayage, est relevée pour poursuivre à plat en adhérence, ou abaissée sur la crémaillère pour entamer la descente. Cela provoque parfois un bruit de claquement caractéristique. Une fois en plateau, les rames atteignent jusqu’à 45 km/h.
Mais pourquoi certaines portes du métro donnent sur un mur ?
Quelques mois après l’inauguration de la station Hôtel-de-Ville, la très forte affluence rend nécessaire la construction d’un quai secondaire derrière un mur porteur, conséquemment fragmenté en poteaux. C’est pour cela que certaines portes du métro ouvrent sur… des piliers !
Carte postale – Funiculaire Croix-Paquet, 1905 (© Métropole de Lyon – Collection Jean-Paul TABEY, Archives TCL)
Dès 1862, Lyon accueille le premier funiculaire urbain du monde, rue Terme. Destiné à gravir de fortes rampes à l’aide d’un câble, le surnom de « ficelle » lui est rapidement accolé.
Plusieurs funiculaires se développent dans la ville, dont l’ancêtre du métro C, de Croix-Paquet à Croix-Rousse, inauguré en 1891 entre fanfares, salves d’artillerie, démonstrations de gymnastique et lâcher de deux mille pigeons. Durant ses travaux, les ouvriers se heurtèrent à une roche dure de 24 tonnes, un bloc déplacé par les glaciers sur au moins 175 km. Extrait et disposé à l’air libre, le célèbre Gros Caillou devient un symbole de la Croix-Rousse.
Le funiculaire, composé d’une voiture et d’un wagon ouvert pour les marchandises ou les voyageurs, est vite adopté par les Lyonnais.
Les premiers projets de métro naissent vers 1900. L’un d’eux prévoyait déjà une ligne en correspondance à Terreaux jusqu’à l’hôpital de la Croix-Rousse.
Mais le véritable travail démarre à la fin des années 1950, porté par René Waldmann, premier directeur de la SEMALY, société d’économie mixte créée pour construire le métro de Lyon. Les études et négociations sont longues. André Brunot, inspecteur général des Ponts et Chaussées, lui écrit en 1966 : « Mon cher Camarade, comme je te l’ai dit, je ne suis pas convaincu en ce qui concerne le métro lyonnais. »
Finalement, la décision est prise de transformer le funiculaire existant en un chemin de fer à crémaillère. Le 30 juin 1972, la ficelle Croix-Paquet ferme définitivement pour deux ans de travaux.
« C‘est là, sur ces rails et dans ce tunnel que les légendes sont nées et que Lyon est tombée amoureuse de la Croix-Rousse. Mais telle une maîtresse infidèle, Lyon s’est amourachée d’un autre métro : plus grand, plus beau, plus fort, plus majestueux. » — Reportage de FR3, 1976
Métro de la ligne C à la station Croix-Rousse, en 1974 (© Ville de Lyon, Archives municipales, Combier, Fonds photographique des TCL, 38PH/619)
Lors de son inauguration en 1974, la ligne C est à la pointe de la mode. Les journalistes vantent le décor « très 1975 » de la station Croix-Rousse (Le Progrès), agrémentée de panneaux stratifiés jaune safran, ou encore le « tissu très agréable à l’œil » des sièges dans les véhicules MC (La Vie du Rail), construits en Suisse, dont la coque porte une couleur rouge.
En préparation de l’extension de 1984, de nouvelles rames MCL80 sont commandées, sur un modèle inspiré des lignes A et B. Des banquettes sont disposées face à face. La teinte extérieure orange, particulièrement visible dans un tunnel sombre, a été choisie par le maire Louis Pradel.
Après consultation de voyageurs, une gamme de beiges et d’oranges clairs est retenue pour les compartiments intérieurs, avec comme objectif : « un matériel conforme au caractère des Lyonnais : sobriété, économie, modernité ! » (Revue Technica). Une maquette restaurée par un ancien conducteur est d’ailleurs présentée à la station Hôtel-de-Ville. Ces véhicules sont toujours en circulation ; ils ont été rénovés entre 2005 et 2008, passant à la couleur blanche actuelle. Leurs remplaçants, prévus par SYTRAL Mobilités en 2035, offriront environ 100 places assises pour un plus grand confort.
Que sont devenues les premières rames ?
L'une des rames d’origine de la ligne C est conservée au dépôt de tramways de Meyzieu, et une autre est exposée à la Cité du Train, musée du Patrimoine SNCF situé à Mulhouse.
À l’image des autres lignes du réseau, les stations accueillent plusieurs œuvres d’art pérennes : les mosaïques et fragments de fresques gallo-romaines de Claude Cognet à Hénon (1983), la fresque au plafond de Robert Duran à Croix-Rousse (1983), ou encore la sculpture La Danse de Josef Ciesla (1978), Les Robots d’Alain Dettinger (1978), et la nouvelle œuvre murale Circuits entrelacés de Kenia Almaraz Murillo et Elliott Causse (2024) à Hôtel-de-Ville.
Ateliers de maintenance, en 1984 (© Donation de P.-M. Boutevillain, Archives TCL)
L’exploitation de la ligne C requiert la mobilisation d’une quarantaine d’agents dans les rames, en stations et aux ateliers de maintenance.
Les conducteurs, qui comptent un certain nombre de Croix-Roussiens et Caluirards, restent généralement de longues années à leur poste, notamment la première conductrice à plein temps sur la ligne, aux commandes depuis 2000 !
En comparaison avec les autres lignes de métro, la ligne C présente plusieurs avantages : la diversité du mode de conduite, puisque chaque entrée en station se fait à une vitesse différente ; l’alternance de séquences en tunnel et à l’air libre ; enfin, la nécessité de descendre de la rame pour changer de cabine toutes les dix minutes à chaque terminus.
Pour s’assurer de la bonne vigilance du conducteur, le système de veille de la ligne C exige qu’il active un manipulateur toutes les 9 secondes au maximum. À défaut, une sonnerie retentit : sans réaction dans les 4 secondes qui suivent, un freinage d’urgence se déclenche automatiquement.
En dehors des heures d’exploitation, les véhicules rejoignent les Ateliers d’Hénon, qui permettent de les garer, réviser, réparer, laver… On y trouve du matériel de toute sorte : d’imposants bogies (chariots sur lesquels pivote le châssis des rames), un remorqueur permettant de tracteur un métro, ou encore des dizaines de roues métalliques. Renouvelées tous les 3 ans, il faut 32 roues par rame !
SYTRAL Mobilités engage la modernisation de ce dépôt à l'horizon 2035, le remplacement des automates de conduite et le doublement de la voie entre les stations Hénon et Cuire.
La lumière à tous les étages ...
Le tunnel entre Hénon et Cuire est éclairé, contrairement aux autres. Cela facilite l’adaptation des yeux du conducteur à l’écart de luminosité entre la partie en tunnel et celle à l’air libre
Station Croix-Rousse entre 1974 et 1981 (© Archives TCL, Archives Municipales de Lyon)
La fréquentation de la ligne C a augmenté au fil des évolutions du réseau de transport. De 1 500 à 2 000 voyageurs par jour entre 1974 et 1977, le trafic bondit à 15 000 personnes dès le raccordement à Hôtel-de-Ville en 1978.
Alors que durant les premières années, la SEMALY (société d'économie mixte créée pour construire le métro lyonnais) ne prévoyait « pas de portillons comme à Paris ou à Marseille », un système d’accès a dû être installé pour compter les voyageurs. Aujourd’hui, ce sont 30 000 voyageurs qui empruntent la ligne chaque jour.
La création puis l’extension de la ligne C ont joué un rôle significatif dans le développement de la Croix-Rousse et de Cuire : non seulement via les aménagements urbains faisant suite aux travaux du métro, mais aussi par la facilité d’accès que la ligne offre à la Presqu’île et à l’ensemble des transports publics de la métropole. Depuis peu, le métro C est même ouvert aux passagers accompagnés de leur vélo.
Retour vers le futur
Le signal sonore de fermeture des portes n’a pas changé depuis 40 ans. Avez-vous remarqué qu’il est réglé moins fort à Cuire pour ne pas gêner le voisinage ?
René Waldmann, premier directeur de la SEMALY, s'amuse à lister dans son ouvrage La Grande Traboule (1991) les quatre points communs entre un métro et une traboule (ce passage étroit, typiquement lyonnais, qui fait communiquer deux rues en traversant un ensemble d’habitations) :
« Le métro, c’est du temps de gagné : un peu plus de temps pour soi-même et pour ceux qu’on aime » — Francisque Collomb, maire de Lyon (1976-1989), lors du discours d’inauguration du réseau de métro en avril 1978.
1891 à 1972
Circulation du funiculaire de Croix-Paquet à Croix-Rousse, dit « la ficelle »
1974
Le funiculaire est remplacé par un chemin de fer à crémaillère : c'est le « 1er métro de Lyon » !
1978
Raccordement de la ligne, dès lors nommée C, à Hôtel de Ville et aux nouveaux métros A et B
1984
Extension jusqu'à Hénon et Cuire
2027
Aménagement de l'intérieur des rames pour augmenter leur capacité
2035
Remplacement des rames et modernisation de l'infrastructure de la ligne
Dans le cadre du plan pluriannuel d’investissement 2023–2035, une enveloppe de 235 millions d’euros est allouée à la ligne C, sur un budget total de 1,7 milliard d’euros destiné à l’ensemble du métro.
Objectifs :
Aujourd'hui
Mise en place d’activités de maintenance quotidiennes sur l’ensemble du réseau (tunnels et stations) et sur les rames dans les 3 ateliers.
À court terme
Aménagement de l’intérieur des rames pour augmenter leur capacité (+5 %).
D'ici 2035
Remplacement et augmentation des rames :
Remplacement des automates de conduite vieillissants
Doubler la voie entre Hénon et Cuire, aujourd’hui en voie simple
Modernisation des ateliers et du dépôt
21 boulevard Vivier Merle - CS 63815
69487 Lyon cedex 03
Tél : 04 72 84 58 00